N° 47 : Editorial

Mission pour la vie ou la mort

On ne peut pas avoir vécu pendant le premier semestre de l’année 2020 sans se poser de questions dites métaphysiques, qui touchent au sens de la vie et de la mort. La pandémie du coronavirus l’aura imposé ainsi à nos contemporains, et la mémoire se charge de nous relier à d’autres générations passées. A l’échelle mondiale, l’humain sait en même temps et partout ce qu’est la maladie. Certains en sont frappés et en portent le témoignage dans leur chair et dans leur âme. D’autres, sans en souffrir directement, apprennent la maladie comme le propre de l’humanité de partout. Le pape François aura retenu et souligné à maintes reprises l’égalité dont l’humanité doit avoir pris conscience à la faveur de cette pandémie. Le pape espère qu’il en sera désormais ainsi dans l’humanité : moins d’indifférence, plus de solidarité.

La pandémie du coronavirus, puisqu’elle atteint ainsi l’humanité dans l’espace et dans le temps, par l’ampleur et la longue durée, interroge la foi, un jour ou l’autre. Et l’on ne peut esquiver les questions qui s’imposent, de près ou de loin. La mission de l’Eglise s’en trouve concernée… N’est-ce pas que la vie et la mort, la mort plus que la vie, ont engendré les pratiques des funérailles qui imposent et traduisent à la fois une vision de la personne humaine dans la perspective restreinte où la rivent le temps et l’espace ?

La foi chrétienne impose un rituel. C’est à la lumière du concile Vatican II que peut s’examiner le rituel à l’essai proposé par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). La vision chrétienne de la mort impose un fondement pour la célébration. Dans quelle mesure un rituel inculturé n’oblitère-t-il pas mais relève l’intelligence du mystère pascal et donc le défi de l’évangélisation ? La question devra attirer l’attention au vu de certaines pratiques menées de bonne foi pour relever la valeur des cultures mais qui éloignent malheureusement du cœur de la foi chrétienne.

Comment s’y prendre pour dire le sens de la vie et de la mort lorsque l’humanité panique sur ses bases et ses prétentions à l’immortalité en ces temps de progrès scientifiques ? Comment, surtout, en parler sans être soi-même imbu de cette prétention à toiser la pandémie universelle ? Les médias trouveront un style pour partager la joie ou la peine. Et dans la recherche de nouvelles voies de la mission et de l’évangélisation, n’est-ce pas qu’il est bien convenu que les médias offrent une plate-forme indiquée pour toucher au cœur de l’homme et pas seulement à son intelligence ?

La crise mondiale du coronavirus a révélé ainsi le « réseau » profond de l’humanité. Les technologies de l’information et de la communication ont connu un progrès indéniable dû au fait que les humains ont senti le besoin de se reconnaître par-delà les limites et de se serrer les coudes. L’humanité aura retrouvé ainsi cette relation fondamentale qu’enseigne la culture symbolique africaine, dans la vision du monde d’un système cohérent et synthétique. Or, un Pierre Teilhard de Chardin l’avait déjà aussi stigmatisé dans les années 1950-1960 avec sa vision de l’organicité totale de l’univers, la centralité de l’évolution et l’unité entre les valeurs humaines et spirituelles.

Donner à l’Eglise un visage africain touchera sans nul doute la façon de célébrer la vie et la mort. Les Communautés Ecclésiales Vivantes, confiées au leadership de laïcs, sont des lieux de la revalorisation de la culture africaine au défi de la foi chrétienne. Mais l’expérience même de ce leadership est mise au défi de se dire entre une approche de renouveau ecclésial ou une simple persistance du modèle clérical tant décrié et jamais abandonné à proprement parler.

Jean-Baptiste MALENGE

Université De Mazenod, Kinshasa

jbmalenge@gmail.com