N° 40-41 – Janvier-décembre 2016

Vol. XX, n° 40-41
Janvier – Décembre 2016
Numéro spécial
Congrès sur le
« Charisme oblat en contexte »
Afrique francophone
Kinshasa, 29 juin – 3 juillet 2015
Un congrès, un défi pour le charisme
Jean-Baptiste Malenge
Modérateur du Congrès
Afrique – Francophone
Réunir à Kinshasa l’un des huit sites du congrès international sur le charisme oblat était une gageure. Dans la province oblate du Congo, les hésitations furent nombreuses et légitimes. Elles portaient surtout sur les capacités techniques. Pourrions-nous vraiment nous assurer une liaison internet avec les quatre coins du monde oblat ? Une telle expérience n’avait jamais été osée. Ni rêvée. Nous étions trop convaincus de notre incapacité, au vu des conditions technologiques générales du pays. Si une ambition était légitime, les missionnaires oblats pensaient bien en être incapables. Ils se disaient réalistes, considérant surtout leurs possibilités financières. Les nombreux contacts pris avec les fournisseurs d’internet proposaient des offres prohibitives.
La tenue de l’événement elle-même doit être comptée pour une vraie prouesse dans l’histoire de la mission oblate au Congo. Mais il faut en rendre une grâce bien méritée à l’administration générale de la congrégation pour le savoir-faire et l’expertise intellectuelle mis en œuvre.
Avoir pris plus d’une année pour l’organisation, voilà le premier mérite des services de l’administration générale, notamment du Service des Etudes oblates. C’est la congrégation elle-même qui se traçait un tout premier jalon dans l’ère cybernétique pour braver les distances du vaste monde oblat étendu sur les cinq continents. Le long temps de préparation a été bien mis à profit pour se mesurer aux nombreux défis.
Kinshasa ne jouit pas encore du bénéfice de la fibre optique avec le haut débit d’internet, mais un fournisseur local a bien réussi à satisfaire le besoin. Pour un congrès à tenir par visioconférence, le casse-tête majeur aura été de réussir, à Kinshasa, une liaison internet de qualité. Nous l’avons fait, et beaucoup qui ont en entendu parler sont déjà venus se renseigner pour apprendre comment se rendre présents aux autres confrères ou consoeurs. Les Oblats en auront montré le chemin à beaucoup ! Le long temps mis dans la préparation du congrès aura été la meilleure leçon à retenir à ce sujet aussi.
Saint Eugène de Mazenod a certainement intercédé, en cette année du bicentenaire de la fondation de la congrégation. Au terme des travaux, beaucoup ont eu le même sentiment que le Fondateur écrivant au père Tempier après l’approbation pontificale des Constitutions et Règles : « Plus je pense à notre affaire, plus j’y vois la main de Dieu, et son action a été reconnue aussi par tous ceux qui ont été les instruments de ses miséricordes sur nous. » (Au père Tempier, de Rome, 20 mars 1826).
Venus du Sénégal, du Nigeria, du Cameroun, d’Angola et du Congo, la centaine des participants auront éprouvé la joie d’inaugurer une nouvelle ère pour vivre le charisme oblat en Afrique francophone. Beaucoup éprouvent la fierté qui doit avoir été celle des fondateurs de nos missions. Bravant les difficultés d’aujourd’hui, nous pouvons prétendre passer à la génération future le même zèle que celui des premiers missionnaires depuis Eugène de Mazenod et ses premiers compagnons.
Le flambeau brûlera encore, tel a été le slogan retenu pour notre sous-région oblate d’Afrique francophone. Et les jeunes oblats du scolasticat international de Kinshasa apprendront que la mission oblate consiste aussi à affronter des défis comme ceux de la pauvreté, des contraintes technologiques voire sociopolitiques.
Dans l’histoire particulière de la province oblate du Congo, le moment n’était pas du tout propice à s’engager dans une entreprise visiblement onéreuse. Réunir un « budget » était hors de toute ambition. Il n’y avait aucun « bienfaiteur » à l’horizon. Pour payer les voyages des participants et le séjour à Kinshasa, par exemple, les Unités oblates du Cameroun, du Sénégal et d’Angola ont pris en charge les frais nécessaires, et ils ont contribué à l’effort commun depuis la recherche de fonds. Sans oublier, bien sûr, une participation de l’administration générale.
La tenue du congrès nous aura ainsi dispensé une bonne leçon. Les raisons économico-financières inhibent parfois les initiatives même les plus spirituelles et vitales. En les affrontant dans le sens du vœu de pauvreté, en réduisant au minimum les besoins et les dépenses, nous aurons réussi à faire beaucoup avec très peu de moyens. Certains se souviendront du Fondateur : « Il ne faut pas se laisser abattre trop facilement quand on est économe d’une maison qui appartient à Dieu. » (Au P. Gaudet, 5 avril1847). Avec cinq pains et trois poissons, Jésus de Nazareth avait déjà appris à ses disciples à nourrir des foules !
La divine Providence lève bien d’autres barrières encore. En Afrique, les visas ne sont pas toujours faciles à obtenir. Les Etats d’Afrique n’ont pas encore supprimé les frontières. Au jour de l’ouverture de notre congrès, le fleuve Congo, séparant Kinshasa et Brazzaville, la capitale du Congo voisin, a vu passer des voyageurs du Cameroun, des Oblats et des associés laïcs. Ils avaient obtenu le visa en dernière minute…
Seul le délégué de Madagascar n’a pas obtenu le papier nécessaire. Kinshasa n’a pas encore établi une ambassade à Antananarive. La Direction Générale des Migrations avait bien promis un « visa volant », mais il est arrivé bien plus tard. Dieu a sans doute remis à une prochaine rencontre la participation de nos frères malgaches !
Madagascar aura, cependant, bien été présent à Kinshasa. Grâce à l’internet, nous avons reçu et présenté le texte sur « charisme oblat et laïcat à Madagascar ». Seule la présence physique de l’auteur nous a manqué. Dans la préparation du congrès, tous les échanges avec les participants auront bénéficié des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
La performance technologique aura favorisé la présence des uns aux autres. Suivre les mêmes conférences sur les mêmes questions aura confirmé le sentiment de l’appartenance à la même famille. A Kinshasa, le fuseau horaire nous aura favorisés. Nous avions la matinée pour les conférences au niveau local, et dès le début de l’après-midi, nous avons eu la connexion internet pour nous brancher sur le réseau mondial. Que de l’Asie et de l’Amérique, par exemple, on réagisse, en direct, aux propos tenus en Afrique et vice-versa, ce fut donc à chaque fois une découverte émouvante de la réalité de notre communion oblate. Eugène de Mazenod doit envier notre génération !
Pour une bonne fois, les francophones ont profité de la présence d’un confrère bilingue. La connaissance des langues internationales est bien une nécessité pour la mission dans le monde d’aujourd’hui. Le congrès sur le charisme nous l’aura fait sentir à un plus haut point.
Ce congrès a aussi donné l’occasion de se rencontrer entre Africains et en Afrique. Nos supérieurs majeurs se rencontrent parfois en Afrique ou ailleurs. S’ils nous représentent bien en ces instances, nous ne pouvons cependant pas partager les mêmes sentiments que d’être présents, en une centaine, dans une salle, comme ce fut le cas à Kinshasa. Débattre des mêmes questions pour vivre le même charisme, partager l’expérience d’un engagement au milieu des pauvres, raconter les motivations d’une vocation oblate ou présenter une figure de l’histoire oblate en Afrique, telle aura été une expérience inégalée. En définitive, la nombreuse participation de la famille oblate comprenait plus que les 120 personnes réunies chaque jour à Kinshasa. La vidéoconférence aura été ainsi une vraie « merveille » aux yeux ébahis des membres de la famille oblate. Ce fut un exploit technologique mais aussi une première dans le sens de l’appartenance à la même spiritualité. En direct, on a bien senti la réalité de cette appartenance aux quatre coins du monde, avec le Supérieur général présent parmi nous chaque jour, nous bénissant à la fin de la journée.
Des questions ont été soulevées concernant la formation et la transmission du charisme aux jeunes générations. A Kinshasa, l’organisation a bien choisi exprès le lieu de ce colloque : au scolasticat saint Eugène de Mazenod. Les scolastiques auront été les plus nombreux. Ils viennent du Congo, du Sénégal, du Nigeria, du Cameroun. C’est à eux que la flamme sera passée. C’est eux qui appliqueront, après l’avoir ruminé et digéré, le bénéfice de ce congrès mondial.
Avec les Oblats, la flamme a été passée aussi aux laïcs. Du Cameroun et du Congo, des associés, membres de l’Association Missionnaire de Marie Immaculée (AMMI) sont venus, hommes et femmes. Ce fut aussi un privilège de compter parmi nous la présidente de l’institut séculier des Coopératrices Missionnaires Oblats de l’Immaculée (COMI) et ses consoeurs de Kinshasa. La Fraternité Missionnaire de la Sainte Famille, fondée par l’Oblat congolais Benoît Kabongo.
Ce congrès aura montré, à Kinshasa, que le charisme d’Eugène de Mazenod est vivant et qu’il est promis à un avenir. Au vingt-et-unième siècle, l’espace géographique se comprime, mais les besoins de salut demeurent qui exigent la mission comme il y a deux cents ans. Les missionnaires oblats de Marie Immaculée se reconnaîtront plus facilement aujourd’hui, et des hommes et des femmes, laïcs ou consacrés, les rejoignent pour vivre la même spiritualité.
Les textes recueillis ici reprennent l’ensemble des conférences prononcées à Kinshasa. Il manque la présence vive et les échanges fraternels qui marqueront longtemps les participants de Kinshasa et d’ailleurs.
Mais nous faisons précéder les interventions de Kinshasa par le texte de deux propos tenus à Rome. Le premier est du Supérieur général, le père Louis Lougen. Le deuxième est du père Fabio Ciardi, directeur du Service des Etudes oblates, coordinateur du congrès.
La présentation des textes suivra la distribution des conférences organisées autour de quatre axes :
Quelques photos illustrent certaines pages. Même sans l’éclat de la couleur, elles montrent tout de même combien les fils et filles d’Eugène de Mazenod rayonnent en évoquant le charisme comme cette flamme qui brûle encore…